LE THÉÂTRE D'OMBRES DE JAVA

 

Entrée du Taman Sari, ou piscine royale de Yogyakarta

 

Plafond d'un bungalow du Kraton (palais royal) de Yogyakarta

 Tepang Asih, poésie chantée du pays Sunda (Java Ouest)



Tout comme pour l’île de Bali, un spectacle de wayang kulit n’a pas qu’une fin artistique, il a aussi et avant tout une fonction religieuse. Les familles du pays organisent un spectacle de wayang kulit dans le but de célébrer une circoncision, un mariage, etc. Ce qui surprend le plus dans le cas de Java, île massivement musulmane dans le pays musulman le plus peuplé du monde, c’est que les principaux personnages du wayang kulit sont des héros, des dieux ou des démons des épopées indiennes du Mahabahrata et du Ramayana, des oeuvres issues d'une religion polythéiste donc. Et ceci alors que l’islam interdit strictement toute représentation graphique des créatures vivantes. Les spécialistes pensent que c’est d’ailleurs pour ne pas trop imiter la création divine que les personnages du wayang kulit javanais sont si caricaturaux. En fait il fut un temps, avant l’islamisation pacifique du pays par des navigateurs arabes et indiens, où les ancêtres des musulmans actuels étaient surtout des bouddhistes et des hindouistes. La population musulmane le sait parfaitement, elle en est fière et le revendique clairement.

L’islamisation de Java a commencé par les princes qui ont tout de suite fait construire des mosquées et essayé de convertir le peuple. Seulement l’islam interdisant le théâtre et la musique, le peuple refusait de se convertir et voulait conserver son wayang kulit et ses gamelans (orchestres traditionnels), et surtout il ne comprenait pas pourquoi ces deux formes d’art étaient interdites alors qu’elles étaient bienvenues dans les temples polythéistes. Les princes et les rois finirent donc par céder et autoriser ces arts dans les mosquées, ce qui a lancé l’islamisation massive du pays. De nos jours cet attrait pour les arts traditionnels de l'archipel est toujours aussi fort et la plupart des musulmans de Java portent même des amulettes qui représentent leur héro ou leur dieu favori dans la mythologie hindoue, ou parmi les personnages d'une épopée, sans que cela ne pose problème. Il faut dire que la magie et la superstition occupent une place importante dans tout le pays. Chose encore plus surprenante, c'est le commandeur des croyants de Java, en la personne du roi de Yogyakarta, qui préside les cérémonies et les prières en l'honneur de la déesse du riz. Dans une île encore très agricole qui estime qu'elle a toujours été protégée par cette déesse, on ne prend aucun risque de la vexer, Islam ou pas.

Même les instruments traditonnels peuvent faire l'objet d'un culte particulier: ainsi les plus précieux sont stoqués dans les mosquées, et ils sont utilisés tous les ans à l'occasion de grandes cérémonies. Ceci aussi dans le but de les maintenir accordés. La population a donné à ces instruments de noms qui disent bien le respect et l'attachement dont ils jouissent, comme "vénérable torrent de miel" par exemple.

Toutefois le pays est, comme dans tous les autres pays musulmans, touché par la vague mondiale d’islamisme et certains villages ont été récemment attaqués par des groupes fondamentalistes quand ils organisaient des spectacles de wayang kulit. Les artistes ont été frappés et les villageois menacés. Ces faits sont une mise en cause grave de la culture des gens concernés, ils se sentent dépuillés dans ce qui fait la base même de leur identité culturelle, et même religieuse puisque depuis le début les arts nationaux et locaux sont associés à l'islam.



Un théâtre vu du côté marionnéttiste

 

Détail de la découpe d'un gunungan (arbre de vie) célèbre

 

 

Détail de la découpe d'une marionnette (ici bethara Bromo, dieu du feu)

 

 

Exemple d'un écran de wayang kulit, vu du côté ombres

 

Préparation de la peau de buffle dans un petit village

 

 

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